Voies navigables de France veut faire renaître les échanges commerciaux par voie d’eau entre Toulouse et Bordeaux. La faisabilité du projet est à l’étude.
Pour la coopérative agricole lot-et-garonnaise Terres du Sud, le dernier essai il y a une dizaine d’années s’est soldé par un échec, la péniche ayant mis plus de deux jours à rallier Bordeaux. Le retour du transport de marchandises, qui avait déserté le canal latéral à la Garonne depuis le tout début des années 2000, a alors été totalement abandonné. Aujourd’hui, cette voie d’eau est entièrement dévolue au tourisme.
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Mais, en 2014, Voies navigables de France (VNF), à Toulouse, a commencé à lancer une grande réflexion pour un retour du commerce sur le canal. « On n’en a plus entendu parler jusqu’en novembre dernier », se souvient Régine Povéda, députée-maire de Meilhan-sur-Garonne (47). Date à laquelle elle a été invitée à Toulouse, en tant que maire d’une commune possédant une entreprise à proximité du canal, et susceptible de l’utiliser.
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Une vingtaine d’entreprises
« Sur la Garonne, il y a encore des barges qui vont jusqu’à Langon pour Airbus. Et quelques transformateurs électriques pour EDF aussi, mais pas beaucoup plus. Nous sommes donc en train de voir si les industries à proximité du canal peuvent trouver un intérêt à envisager un transport fluvial », détaille Rebecca Gallardo, responsable du bureau de développement local chez VNF. Le projet pourrait séduire Terres du Sud, qui a quatre silos à grains stockeurs au bord de la voie d’eau. « Nous n’avons pas vocation à faire des transports exclusivement routiers, indique Stéphane Villaume, responsable logistique. Nous avons un flux de céréales qui monte chaque année vers Bordeaux et un flux d’engrais qui en repart. Nous ne sommes pas contre. »
Selon VNF, de Toulouse à Bordeaux, une petite vingtaine d’industriels seraient prêts à envisager ce report modal : 14 pour du transport à long terme, cinq pour un trafic plus ponctuel (notamment pour de l’approvisionnement de chantiers, comme celui de la LGV). Les filières seraient les colis lourds, les céréales, les granulats et les déchets. Et éventuellement le bois. Ce qui représente une demande potentielle de 2 millions de tonnes de flux par an.
Montage économique
Bien entendu, les industriels attendent une étude économique pointue. C’est le cabinet marseillais CTS Consulting, associé avec un architecte maritime, qui a la mission d’imaginer une offre de fret fluvial. Le bureau d’études est en train de finir de rencontrer les acteurs pour avoir une vision d’ensemble du volume de marchandises à transporter, du prix, de la destination, etc.
« Nous devons nous pencher sur l’offre économique la plus pertinente », raconte Guillaume Pfund, en charge du dossier chez CTS Consulting. Parce qu’il ne faut pas se leurrer, c’est ce qui déterminera la concrétisation du projet. « Il est très difficile de concurrencer un trajet en camion. Le delta va être mince entre le routier et le fluvial », estime-t-il.
Outre un impact environnemental non négligeable, la différence entre les deux modes de transport peut se jouer sur les volumes et le temps de trajet. « La fiabilité de la compagnie maritime sera un argument primordial », reconnaît Terres du Sud.
Gabarit Freycinet
Le canal n’est pas fait pour accueillir des bateaux de grand gabarit, mais un gabarit Freycinet, soit environ 40 mètres de long et 5 de large. Les péniches peuvent transporter entre 250 et 300 tonnes de marchandise, soit l’équivalent de 10 camions.
Mais un autre argument pèsera aussi dans la balance pour les industriels : le montant des investissements. « Sur nos quatre silos en bordure de canal, un seul quai est encore opérationnel », note Stéphane Villaume.
Partage des quais
« Il y a plusieurs aménagements possibles : des quais légers, avec seulement des poteaux où amarrer des bateaux, ou un quai béton, qui correspond plus à un chargement ou déchargement lourd, détaille Guillaume Pfund. Nous privilégierons le léger, en essayant d’innover sur le volet manutention. »
Le but : limiter les investissements, et rendre possible le partage des quais, la manutention, etc. Les quais pourront ensuite être soit privés, soit publics et loués à l’industriel par une collectivité territoriale.
Ces dernières ont été consultées en novembre dernier pour faire un état des lieux de leur secteur. Les industriels et transporteurs seront à nouveau reçus le 28 janvier pour affiner l’exploitation possible du canal. Le résultat de la phase de faisabilité devrait être donné un mois plus tard.
« Remettre le fret est un très bon moyen de faire revivre le canal et ses maisons éclusières. On n’attend que ça ! » se réjouit Régine Povéda. Mais un autre grain de sable pourrait compliquer la réalisation du projet : la difficulté de remplir le ventre des bateaux au retour.
EXTRAIT DU JOURNAL SUD OUEST