Patrimoine ù À Toulouse, le directeur général de Voies navigables de France a
annoncé le lancement au printemps d’un traitement des platanes malades.
Vingt ans après son classement
à l’Unesco et 350 ans après sa
création, le canal du Midi veut
rester ce joyau fréquenté par
plus de 2,5 millions de touristes, dont
un million en bateau. Même si la fréquentation
a «un peu baissé» selon
un responsable, Voies navigables de
France (VNF) n’a plus le vague à
l’âme. D’ici 2017, davantage d’arbres
seront replantés. Du chêne chevelu,
de l’érable plane, du tilleul à grandes
feuilles, du peuplier blanc, du micocoulier,
du pin parasol… 1 900 arbres
seront plantés cet hiver et
1700 autres l’hiver prochain.
Au total, fin 2017, 5 800 arbres de diverses
essences redonneront du lustre
au canal du Midi. Les variétés ont
été multipliées pour éviter qu’un jour
une seule maladie, fût-elle incurable,
ne décime qu’une seule espèce comme
ce fut le cas du platane, qui a créé
au fil du temps cette voûte d’ombre
présente un peu partout sur les
260 km de l’ouvrage, trait d’union de
la nouvelle grande Région.
«On espère une oreille
attentive de la
présidente de la grande
Région»
Marc Papinutti, DG de VNF
Pour lutter contre un champignon envahissant
et meurtrier, le chancre coloré,
et «assurer la sécurité des personnes
», 14 000 platanes ont déjà été
abattus depuis 2013, soit un tiers des
43000 arbres bordant le canal du Midi.
Unique au monde, l’opération est
estimée à 200 M sur 20 ans. Le financement,
qui doit se diviser en
trois tiers, est loin d’être bouclé. VNF
apporte chaque année 10 M. Le mécénat
est sur une tendance encourageante:
«Depuis 2013, nous avons récolté
1,8 M dont 430000 par le
grand public et le reste apporté par
60 entreprises, à 70% régionales»,
confie Marc Papinutti.
S’agissant d’un engagement financier
à long terme, Marc Papinutti a dit que
«ni VNF ni l’État ne peuvent le faire
sur 20 ans. Mais on a bon espoir.
C’est un vrai sujet, y compris auprès
de la grande Région, 2016 est une année
historique. Les astres s’alignent
positivement.»
«La machine est lancée», a renchéri
Jean Abèle, directeur pour le
Sud-Ouest. VNF espère, en vitesse de
croisière, engranger de 2 M à 3 M
par an, somme « indispensable» pour
financer les replantations.
«L’Unesco voit que nous faisons tout
pour ce monument. Pour l’instant il
n’est pas question qu’il perde son label
», assure un cadre. Le département
de l’Aude a versé 800 000 et
s’apprête à donner 1 M supplémentaire.
C’est le seul département dans
son cas: l’Hérault et les P-O n’ont pas
mis la main à la poche… L’ex-Région
Midi-Pyrénées n’a versé que 19 000
et l’ex-Région Languedoc-Roussillon
700000 . Marc Papinutti espère,
a-t-il répété, avoir une «oreille attentive
de la part de Carole Delga », nouvelle
présidente du conseil régional.
Le directeur général de VNF a aussi
expliqué ne pas écarter la possibilité
d’une taxe pour alimenter le budget
de cette opération hors normes. Mais
pas forcément sur les bateaux. En
tout cas, il faudra trouver des recettes
supplémentaires. «À Avignon, où
je participais il y a une semaine à
une table ronde avec plus de 300 acteurs
du tourisme, le constat partagé
était que la clientèle étrangère, notamment
russe, était en retrait, sans
doute à cause des attentats. À Paris,
la fréquentation des bateaux de promenade
est en chute de 40% par rapport
à 2015. Il faut être prudent. On
ne peut pas taxer les bateaux comme
ça. En revanche, une majoration de
la taxe de séjour, pourquoi pas. Mais
je n’ai rien demandé pour 2016.»
L’abattage préventif
des platanes est limité
Si Marc Papinutti parle d’avenir, c’est
aussi parce que le Cetev (Centre d’expertise
en techniques environnementales
et végétales), basé près de Toulouse,
a été le seul organisme à obtenir
le feu vert pour l’expérimentation
d’un traitement à base de micro-injections
de fongicide et pourquoi pas, un
jour, d’un vaccin. Des étudiants toulousains
qui avaient gagné un prix international
ne désespèrent pas d’appliquer
une méthode à base de manipulation
génétique. «Je viens de signer
le protocole d’une expérimentation
avec le Cetev. Celle-ci sera longue
de deux à trois ans. Et tenue secrète
pour éviter que l’opération ne
soit sabotée», a-t-il confié. Et ne pas
réactiver l’hostilité des maires frondeurs
notamment dans l’Aude.
VNF limite d’ailleurs l’abattage préventif
autour des arbres malades.
«Les maires du Lauragais m’ont dit
ce matin que leurs platanes ne sont
pas atteints par le chancre. Je leur ai
proposé un suivi régulier tous les
trois mois (…) » Par ailleurs, a-t-il encore
confié, «on ne sait pas vraiment
comment la maladie se propage.
Je stresse déjà à l’idée qu’il y
ait d’autres arbres touchés. Car la
maladie peut se déclarer quatre ou
cinq ans après que les racines ont été
infectées… » Un seul nouvel arbre a
été signalé touché, en Haute-Garonne,
lors de l’état des lieux annuel.
Cette expérimentation est en tout cas
d’un enjeu plus vaste. Les platanes il
y en a partout. Et personne au monde
n’a trouvé de vaccin. «Nous accompagnons
le Cetev car cela va permettre
de faire émerger des solutions scientifiques
pour tous», espère Marc Papinutti.
OLIVIER SCHLAMA
oschlama@midilibre.com
EXTRAIT DU MIDI LIBRE DU 11.02.2016