Ce jeudi, le Cetev, une PME basée au Faget dans le Lauragais présentera un traitement susceptible de soigner le chancre coloré du platane est-ce une alternative à l’arrachage des 42 000 arbres ?
André Vigouroux : Je n’y crois pas parce qu’ils n’ont encore rien montré de probant. Ils présentent ce traitement comme une nouveauté en s’appuyant sur un début d’expérimentation qui leur paraît encourageant. Mais pour l’instant ils n’ont travaillé que sur sept arbres. Ils ont peut-être constaté un certain ralentissement de l’évolution de la maladie, mais ça ne les autorise pas à dire que leur protocole est efficace.
Qu’est ce qui justifie vos doutes ?
Deux choses. D’abord à la lecture de leur publication dans Phytoma la revue française de référence dans la protection des végétaux, je constate des similitudes avec ce qui a déjà été publié par l’institut des ligneux de montagne de Florence. Dès 1981 Alberto Panconesi avait testé un traitement qui ralentissait le développement du chancre coloré sur des jeunes arbres, mais ensuite la maladie repartait.
Peut-être ont-ils fait évoluer le traitement ?
Le produit utilisé par le Cetev est très voisin des triazols testés par les Italiens. Il n’y a aucune raison de penser qu’il est fondamentalement différent. Et tel qu’ils l’injectent dans le tronc, ce produit diffuse dans l’arbre par la sève ascendante qui circule dans les vaisseaux du bois, et par la sève descendante qui passe par le liber, la partie intérieure de l’écorce. Mais le chancre coloré infeste également ce que l’on appelle les rayons libéraux ligneux du bois qui relient le liber aux vaisseaux. Or le fongicide qu’ils utilisent n’atteint pas cette partie de l’arbre qui fonctionne comme un sanctuaire pour la maladie.
Comment êtes-vous parvenu à créer le platanor ?
Dans le cadre de mes travaux à l’Inra, j’ai étudié le chancre coloré du platane et ses modes de transmission. J’en suis d’abord arrivé à la conclusion que seul la désinfection de tous les outils utilisés pour entretenir les arbres pouvait permettre de limiter l’épidémie. Mais personne n’en a vraiment tenu compte et ça n’a pas suffi. J’ai donc appliqué la méthode utilisée en arboriculture fruitière qui consiste à développer un clone résistant. En 1989 je suis allé aux Etats-Unis où le chancre coloré est endémique, mais où quelques arbres parviennent toutefois à lui résister. J’ai ramené ces souches résistantes à Montpellier. Mais une fois en France j’ai constaté que les arbres ne s’adaptaient pas en raison d’une maladie propre à la France qui tuait les platanes américains. Il m’a donc fallu croiser les clones américains avec un platane local pour obtenir un hybride qui ressemble comme un frère au platane de France et auquel j’ai inoculé la maladie. En 2002 sur des milliers d’arbres il m’en est resté un qui était totalement résistant au chancre coloré. C’est le platanor qui est désormais utilisé pour remplacer une partie des platanes du canal du Midi.
Vous êtes très critique sur les travaux du Cetev. N’essayez-vous pas simplement de défendre votre Platanor ?
Soyons clair. J’ai toujours travaillé pour l’Inra et je ne touche pas un sou sur les Platanor. Je n’ai rien contre les recherches conduites par le Cetev et je me réjouirais s’il existait une autre méthode de lutte que l’abattage systématique. Mais je le répète, à ce stade rien ne justifie de parler d’un traitement.
Où en est l’épidémie sur le canal du Midi ?
Quoi qu ‘en dise un certain discours officiel elle a dépassé le seuil de Naurouze en 2013. Nous n’en sommes plus à la barrière de Castelnaudary.
Prudence au cetev
Contacté par téléphone, Philippe Buste le gérant du Centre d’expertise en techniques environnementales et végétales (Cetev) préfère attendre la rencontre du 16 janvier au ministère de l’agriculture avant de s’exprimer à nouveau sur le traitement du chancre coloré du platane pour lequel il sollicite l’autorisation de conduire des essais sur une vingtaine d’arbres des berges du canal du Midi. «Je n’ai pas à communiquer sur mon travail car je suis une entreprise privée. Après la rencontre du 16 janvier, seule le ministère de l’agriculture et les voies navigables de France communiqueront sur le sujet», précise le patron de la PME du Faget.
Recueilli par Bernard Davodeau – LA DEPECHE DU MIDI 12/01/2014