Le classement des paysages au patrimoine mondial a reçu un avis défavorable de la commission d’enquête. L’État doit revoir sa copie.
Ce sont 20 pages qui claquent comme un désaveu pour l’État et ses fonctionnaires. La commission d’enquête sur le classement des abords du canal du Midi a remis en juillet un avis défavorable au préfet de la région Midi-Pyrénées. Suivant l’avis de nombreux élus des 90 communes concernées, les cinq commissaires-enquêteurs estiment que le classement intégral du site, inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1996, souffre d’une insuffisante acceptabilité des collectivités, même s’il serait « réglementairement acceptable ».
C’est le comité du Patrimoine mondial de l’Unesco qui avait demandé en 2006 à la France de mieux définir le statut de protection de l’ouvrage, construit sous Louis XIV. La vaste « zone-tampon » de plus de 200 000 hectares qui recouvre le territoire de toutes les communes traversées ne comprenait en effet aucune mesure sérieuse de protection des paysages. L’État a donc délimité une bande plus restreinte de 23 788 hectares, variant de 250 à 500 mètres de part et d’autre des berges, à la manière du périmètre de protection autour des monuments historiques.
Les platanes décimés
L’inquiétude des experts de l’Unesco a été déclenchée par l’épidémie de chancre coloré qui décime les platanes, marqueurs emblématiques des berges du canal de Toulouse jusqu’à la Méditerranée. Avec la disparition du rideau arboré, les touristes qui ont emprunté le canal à bord de bateaux de location ou à vélo cet été ont découvert des paysages désolés de vignes arrachées, de lotissements pavillonnaires sans charme et de zones industrielles et commerciales. On est bien loin des cartes postales du Languedoc-Roussillon, principale région touchée par le champignon dont les spores sont désormais arrivées jusqu’aux portes de Toulouse. Sans se prononcer sur le remplacement des platanes, les commissaires-enquêteurs notent que l’image du canal risque de se dégrader. Il faudra « une génération » avant que les nouveaux arbres d’alignement s’inscrivent à leur tour dans un paysage durablement modifié, soulignent-ils.
L’avis de la commission d’enquête est sévère pour le ministère de l’Écologie, qui préconisait de faire de tout le canal un site classé sur 300 kilomètres, mais en excluant curieusement les zones urbanisées ou à urbaniser. Ce sont donc surtout les élus des villages et les agriculteurs qui sont montés au créneau au printemps pour dénoncer une sorte de classement à deux vitesses. Lors de l’enquête publique, une majorité d’avis déposés dans les registres dénonçait un système « lourd et contraignant », obligeant de demander l’avis des architectes des bâtiments de France pour le moindre permis de construire.
Une alternative
Les commissaires-enquêteurs donnent raison à cette jacquerie du midi. Ils suggèrent à l’État de s’inspirer du Val de Loire, également inscrit à l’Unesco : si les châteaux sont bien classés, la majorité de la vallée est seulement « inscrite » aux monuments historiques.
Dans sa réponse aux commissaires-enquêteurs, la DREAL (direction régionale de l’environnement, l’aménagement et du logement) de Midi-Pyrénées fait valoir que le ministère de la Culture n’avait pas souhaité classer l’intégralité du canal comme un monument unique. Seuls certains sites emblématiques, comme l’échelle d’écluses de Fonserannes à Béziers, sont actuellement classés.
L’avis défavorable de la commission d’enquête pourrait raviver une solution alternative à l’heure de la fusion annoncée des régions Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon : pourquoi pas un parc naturel régional pour le canal du Midi ? L’État ne répondra aux critiques de la commission d’enquête qu’après les élections régionales. C’est le préfet de l’Aude qui sera chargé de dire, en janvier 2016, si le classement du canal reste une priorité nationale.
Stéphane Thépot, correspondant de LE POINT à Toulouse
extrait de www.lepoint.fr