Construction
Historique de la Construction :
Pierre-Paul Riquet avait entendu parler par son père, qui siégeait au Conseil des Trente à Béziers, du projet de canal que Bernard Arribat leur avait présenté en 1618. Mais ce n’est véritablement qu’à partir de 1661 et de l’achat de son château de Bonrepos, qu’il va s’intéresser de près à cette idée de creusement d’un canal. A ce moment-là, il est devenu fermier des gabelles pour le haut Languedoc et c’est un homme riche. Son grand projet est de joindre l’Atlantique à la Méditerranée par un canal afin de faciliter le commerce et le transport de denrées alimentaires dont le blé et le sel. Par ailleurs, il veut léguer à ses enfants une réalisation unique. Il a 52 ans et le moment est venu pour lui de réaliser l’œuvre de sa vie. Mais, pour que celle-ci puisse se faire, il lui faut des interlocuteurs fiables au sommet de l’Etat. Le jeune roi Louis XIV, et surtout son ministre Colbert semblent être les hommes de la situation. Grâce à l’intervention de l’archevêque de Toulouse, Mgr d’Anglure de Bourlemont, Riquet rencontre Colbert au Louvre en mai 1663. Le ministre est très intéressé. Il voit dans ce projet de canal l’intérêt que le royaume peut en tirer tant d’un point de vue économique, que politique et que militaire. Pour financer ce chantier, et après en avoir fait étudier l’opportunité et les modalités de réalisation par une commission nommée par le roi et les Etats du Languedoc, il faut trouver des fonds. Le chantier sera financé par les Etats du Languedoc, par le roi à travers le reversement de la gabelle, mais aussi par Riquet sur sa fortune personnelle. En octobre 1666, Louis XIV signe l’Edit de création du canal. Pour permettre une réalisation cohérente, le chantier est divisé en deux entreprises soumises à adjudication et pour lesquelles Riquet se porte acquéreur. La première concerne la construction du canal de Toulouse à Trèbes, ainsi que celle du bassin de Saint-Ferréol et des rigoles d’alimentation jusqu’à Naurouze. La seconde, dont les travaux ne commenceront qu’en 1672, comprend la partie de Trèbes à la Méditerranée et la construction du port de Sète.
Les travaux débutent en 1667 par le creusement des rigoles d’alimentation du canal. L’eau est directement captée dans les ruisseaux et rivières qui coulent de la Montagne noire de manière à atteindre le débit suffisant nécessaire aux besoins de la navigation, mais sans les assécher. En même temps, pour réguler le débit des rigoles vers Naurouze, Riquet fait creuser au lieu-dit Saint-Ferréol, un bassin de 67 hectares, fermé par une muraille énorme de blocs de granit taillés.
2 000 ouvriers sont engagés. Entre 1667 et 1681, il y aura jusqu’à 12 000 travailleurs, hommes et femmes, organisés en ateliers réunis en sections, sous la direction d’un contrôleur général. Cette armée de brassiers et de manœuvres est répartie sur les divers lieux de travail. Pour s’assurer durablement la fidélité de ses ouvriers, Riquet refuse le principe de la corvée proposé par Colbert. Au contraire, il propose des conditions de travail très novatrices : une indemnisation d’office en cas de maladie, un salaire mensualisé, une rémunération des jours chômés et même des jours de pluie.
Plusieurs métiers se rencontrent sur les chantiers, en plus des ouvriers saisonniers qui sont le plus souvent des paysans. Les maçons et les tailleurs de pierre sont chargés de la construction des ouvrages d’art (ponts, écluses). Les forgerons et les niveleurs sont chargés de l’entretien de l’outillage. Les charretiers et les voituriers, les maréchaux-ferrants et les propriétaires de moulins à scies sont aussi réquisitionnés pour les travaux.
Si l’exécution du chantier est confiée à tous ces ouvriers, Pierre-Paul Riquet s’entoure d’une équipe d’ingénieurs dont le plus connu est François Andreossy, spécialiste d’hydrologie. Cependant, l’ingénieur principal de l’entreprise reste le chevalier de Clerville, commissaire général des fortifications et ingénieur du roi, ami de Riquet, mais qui meurt en 1677. Il sera heureusement remplacé par un Vauban très admiratif de l’œuvre de Riquet.
Le tronçon de Toulouse à Trèbes est mis en eau en 1670 et son exploitation commence aussitôt, avec une liaison régulière de la barque de poste entre Toulouse et Castelnaudary.
La seconde entreprise commence en 1672 entre Trèbes et l’étang de Thau, alors que la construction du port de Sète a débuté en 1666.
Pendant pratiquement toute la durée du chantier de creusement du canal, Riquet se heurte au problème de son financement. Dans un premier temps, s’il est bien soutenu par Colbert, celui-ci va lui manifester très vite son impatience et sa méfiance sur les moyens employés, allant jusqu’à l’accuser d’utiliser directement la partie de la gabelle revenant directement au roi pour lui-même. Par ailleurs, les Etats du Languedoc qui devaient payer une grosse partie du coût du chantier, versent les sommes requises avec beaucoup de retard. Riquet est alors obligé de prendre les sommes nécessaires sur ses propres deniers. Il y investit toute sa fortune personnelle, et lorsqu’il meurt le 1er octobre 1680, il laisse à ses enfants et petits-enfants une dette abyssale que ceux-ci finiront de payer en 1724, soit 44 ans plus tard.
Le canal est terminé en mai 1681, huit mois après la mort de son concepteur … Mais Riquet a fait de son rêve une réalité.
Le 24 mai 1681, l’intendant Henri d’Aguesseau et les deux fils de Riquet inaugurent le canal sur toute sa longueur. Il faut 10 jours pour relier les deux fmers.
Le successeur du chevalier de Clerville, Vauban, reprend le flambeau et améliore le franchissement des rivières, rajoute des aqueducs, perce le tunel des Cammazes et écrit à propos du canal : « Je préfèrerai la gloire d’être l’auteur du canal des Deux Mers à tout ce que j’ai fait ou pourrai faire à l’avenir ».
L’œuvre titanesque de Riquet méritait un pareil hommage.