Trouver des parades à la mouche du brou qui attaque les noyers en Dordogne, ou contre le chancre coloré qui ravage les platanes du Canal du midi… Les agroentreprises et instituts techniques se tournent de plus en plus vers des solutions biologiques : parasites, produits naturels, pièges hormonaux… Avec succès !
Photo : Aphidius colemani sur pucerons
Rien de plus déprimant que de voir son jardin, ses arbres, ses cultures… grignotés par les insectes. Avec le printemps qui vient, chacun guette les solutions pour contrer les ravageurs. On pense à la bactérie Xylella fastidiosa qui menace les oliveraies des Pouilles en Italie, aux charançons rouges qui s’en prennent aux palmiers dans le Midi, mais aussi à la pyrale, ce papillon dont la chenille dévore les allées de buis et défigure nos jardins historiques à la française. Imaginez Vaulx le vicomte ou Villandry sans leurs buissons sculptés !
La contre offensive pourrait bien venir du biocontrôle, cette stratégie de lutte biologique où le ravageur se trouve perturbé, piégé, attaqué par un parasite. Le pionnier en la matière est le groupe Koppert né aux Pays-Bas il y a 40 ans et qui propose une panoplie de bourdons pollinisateurs, bactéries tueuses ou semences enrobées de microorganismes dopants. Il vient d’ailleurs de mettre sur le marché le piège BUXatrap qui émet des phéromones capables d’attirer et tuer les pyrales du buis. « C’est une solution qui a été validée dans le cadre du projet SaveBuxus que nous avons mené en partenariat avec INRA, Plante & cité, Astredhor, et dont le brevet d’invention a été déposé » précise Frédéric Favrot, directeur général de Koppert France. Ce dernier apparaît parfois comme un sauveur. A Nice et à Monaco, on est venu à bout de l’invasion des palmiers par les charançons rouges grâce à l’injection au cœur de l’arbre de nématodes produits par l’entreprise hollandaise.
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Ecouter les plantes
Avec des filiales dans plus de vingt pays, Koppert élève et distribue toutes sortes d’organismes pour les arbres, végétaux et cultures : des insectes auxiliaires (microguèpes, hyménoptères, acariens, araignées prédatrices, œufs, larves ou pupes…), des microorganismes protecteurs, stimulants ou fertilisants. « Nous produisons des organismes vivants, et cela requiert une logistique à flux tendu, explique Frédéric Favrot. Pour l’Europe, les organismes sont élevés à Rotterdam ou en Espagne : nous ne pouvons retarder ou accélérer les rythmes que de quelques jours par des effets de température. La vie n’attend pas ».
La firme qui emploie aujourd’hui 1 100 personnes (avec un chiffre d’affaires de 180 millions d’euros) a une approche holistique des cultures et ne se considère pas comme un fournisseur mais comme un partenaire des agriculteurs. Sous son influence, les cultures sous abri (sous serre) se sont pratiquement presque toutes affranchies des traitements phytosanitaires. Tomates, concombres, courgettes… ne subissent plus qu’un ou deux traitements grâce à des approches de biocontrôle préventives.
Un autre marché s’ouvre aujourd’hui, celui des cultures spécialisées en plein champ (viticulture, arboriculture, légumes…). « Et il y a fort à faire quand on sait qu’il y a près de trente traitements réalisées sur les vergers de pommes, et plus de 60 parfois sur les bananeraies » pointe Frédéric Favrot qui n’est pas un militant mais seulement un défenseur du « moindre impact environnemental ». « Ce qui nous fera réussir c’est que nous sommes en train de buter sur des impasses techniques, estime-t-il. Soit les produits classiques ne marchent plus car le ravageur est devenu résistant, soit le pesticide a été retiré du marché car trop dangereux, soit nous avons affaire à de nouveaux parasites… Chacun sent que nous arrivons à la limite de notre système du « tout chimique » qui rend malade et qui est cher ».
Pour la protection de la vigne, Koppert a mis au point – avec l’Institut français de la vigne – une substance naturelle qui forme un film sur les feuilles et étouffe les champignons parasites comme l’oïdium ou le botrytis ou pourriture grise. Ce produit pourra aussi servir sur les pommiers atteints de tavelure en complément de pièges à confusion sexuelle contre le carpocapse.
Le biocontrôle peut aussi être conçu sous forme de stimulations des plantes afin de les rendre plus fortes contre les agresseurs. Des souches de champignon du genre Trichoderma sont efficaces ainsi que des cocktails adaptés aux situations propres à chaque champ. Ces protocoles de type NatuGro proposés par Koppert exigent un diagnostic préalable mais permettent un pilotage fin, susceptible d’augmenter la protection et les rendements. De plus en plus les agriculteurs recourent à des semences qui ont été enrobées afin de faciliter la croissance. Et cet enrobage peut être fait de microorganismes (trichoderma asperellum, bacillus megaterium, bacillus subtilis et des champignons du genre glomus) et d’extraits naturels (algues) : toute cette flore qui est mise en sommeil dans une formulation huileuse dont Koppert garde le secret produit des sécrétions favorables à la germination de la graine.
Aphidius matricariae momies de pucerrons
Une mutation des pratiques et des mentalités
Les acteurs de ces démarches de biocontrole étaient réunis le 26 janvier dernier à Paris par leur association IBMA (International biocontrol manufacturers association). Ils sont très encouragés par le Ministre Stéphane Le Foll qui inaugurait en février 2015 le consortium public-privé sur le biocontrôle mobilisant les groupes BASF, Bayer, Goëmar, InVivo, Lesaffre, De Sangosse, Syngenta et Koppert France. « Le Chlordécone, ça a bien déconné ! a lâché Stéphane Le Foll. Il faut que nous soyons capables de nous réorienter ».
Cette initiative correspond à l’une des cinq priorités thématiques du plan « Agriculture – Innovation 2025 » annoncé le 20 février 2015. Elle vise à coordonner les acteurs du biocontrôle dans le double objectif d’offrir aux utilisateurs, en premier lieu les agriculteurs, des méthodes alternatives en matière de produits phytosanitaires, et de contribuer à la consolidation du secteur français du biocontrôle. C’est un secteur prometteur et en croissance.
Pour donner un ordre de grandeur, l’industrie française du biocontrôle a réalisé, en 2013, un chiffre d’affaires de 110 millions d’euros et a généré plus de 5 500 emplois, directs ou indirects. Le consortium entend placer, à l’horizon 2020, la part du biocontrôle à 15 % du marché français de la protection des cultures (5 % aujourd’hui) et à multiplier par 4 les emplois générés par cette industrie.
Rappelons ici que cette dynamique résulte des impulsions politiques liées au plan Ecophyto qui exige une réduction de 50% des pesticides à l’échéance 2021 (année de référence 2010).
Mobilisation des agrochimistes
Les grands groupes agrochimistes ont bien compris la mutation en cours. Ils ont tous mis un pied dans le secteur en rachetant des sociétés spécialisées dans la lutte biologique. BASF a acquis Becker Underwood en 2012, Bayer a acheté AgraQuest, Monsanto a capté le danois Novozymes, tandis que le levurier Lesaffre a mis dans son giron Agauxine. On peut signaler aussi que la société Goëmar ciblée sur les algues – née à St Malo en 1971 – a été récupérée par le géant japonais Arysta LifeScience Limited.
Syngenta – qui vient d’être racheté par le chinois ChemChina pour 43 Milliards de dollars – n’est pas absent du marché car il propose une gamme Bioline de macro-organismes. Près de 40 milliards d’insectes et acariens de 20 espèces différentes sont élevés chaque année à Telstar Nursery, site d’élevage Bioline au Royaume-Uni. Enfin le groupe In Vivo distribue les produits de Biotop – biofabrique basée à Livron-sur-Drôme – qui produit des organismes auxiliaires de cultures.
« Face aux géants de la chimie, il faut qu’on crée des géants du biocontrole » a insisté le ministre de l’agriculture à l’AFP. Mais la comparaison est hasardeuse… Pour l’heure, le marché du biocontrôle est de 75 millions d’euros en France alors que celui des pesticides est de deux milliards d’euros (il n’a pas baissé depuis 2010). Cette disproportion des moyens risque de durer. Le lobby des chimistes reste très actif comme l’atteste le dernier numéro du magazine bimensuel Science & pseudo-sciences édité par l’AFIS (Association Française pour l’Information Scientifique) consacré aux pesticides.
Ainsi après les climato-sceptiques, se manifeste ici le réseau des « toxico-sceptiques ». L’éditorialiste qualifie les associations anti-pesticides de « marchands de peur », face aux industries qualifiées de « marchands de doute » (en référence au livre de Naomi Oreskes, juin 2010, Le Pommier). Une position qui va à l’encontre de la présentation faite par Martin Boudot dans son enquête « Produits chimiques : nos enfants en danger » diffusée le 2 février dans l’émission d’Elise Lucet, Cash Investigation.
Si l’on veut sortir de ces postures dogmatiques, rien n’est plus efficace qu’observer les avantages intégrés de l’approche « biocontrôle » : connaissance des comportements, respects des équilibres, absence de toxicité… Les frères Peter et Paul Koppert qui dirigent le groupe familial avec leur beau-frère Hendrich Oosthoek possèdent 100% du capital. Un modèle original basé sur la valeur sociale de l’entreprise et qui fait des envieux !
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