À Toulouse, ville horizontale, l’arrivée d’un premier immeuble de grande hauteur, une tour de 150 m de haut, à l’horizon 2022, provoque un électrochoc et fait débat.
La Tour d’Occitanie sera-t-elle la Tour Eiffel de Toulouse? L’érection de la dame de fer qui symbolise aujourd’hui Paris dans le monde entier n’avait-elle pas suscité une très vive réprobation à l’aube du XXe siècle?
Toutes proportions gardées, le premier immeuble de grande hauteur de Toulouse (*), culminant à 150 m au-dessus des allées Jean-Jaurès et de la gare Matabiau sur le site de l’ex centre de tri postal SNCF, suscite des réactions enflammées, favorables ou indignées.
Après un accueil du projet présenté en première mondiale au Mipim de Cannes, en mars 2017, oscillant entre enthousiasme et sidération, la contestation s’est organisée autour d’un collectif qui revendique plus de 1600 signatures contre le projet.
Les partisans de la tour, au premier rang desquels figurent le maire de Toulouse et l’aménageur du quartier MatabiauTeso (la société publique Europolia), invoquent une «opération emblématique de grande qualité architecturale, environnementale et esthétique». Le créateur américain du projet, Daniel Libeskind, star mondiale de l’architecture, est l’auteur des plans de reconstruction du World Trade Center à New York. Les fans de la tour vantent la mixité bureaux-logements-commerces, l’intégration au site du canal du Midi de ce projet de tour végétalisée, sorte de spirale verte s’élevant dans le ciel ( 150 arbres de 6 à 8 m de hauteur et 1 500 arbustes seront plantés sur la «tranchée verte»de l’immeuble) et sa quadruple certification annoncée aux labels écologiques les plus contraignants dans le monde (HQE français, Breeam anglais, Well américain et Biodiversity). Ils ajoutent : «la Tour ne coûtera rien au contribuable, la Compagnie de Phalsbourg, son promoteur, finançant intégralement les 130 millions d’euros du projet (achat du terrain à SNCF Immobilier compris), la dite Compagnie payant même une redevance de 3,4 millions d’euros (100 €/m2) à l’aménageur, qui financera réseaux et espaces publics du futur quartier Teso.
à l’opposé, on s’indigne du manque de concertation et de l’absence de HLM dans la tour, «même pas à énergie positive», qui va «écraser le quartier et renchérir le logement autour».
L’urbaniste Jean-Pierre Hegoburu, membre du Codev, trouve ce débat «relativement secondaire» : «Une tour ne fait pas un projet urbain» et parle d’un «geste architectural inutile sur le plan de l’intérêt public, simple opération financière».
«Un IGH à énergie positive, ça n’existe pas, et il y aura 35 % de HLM dans le reste du quartier», rétorque Europolia, qui assure : «La Tour est une chance pour Toulouse, elle incarne sa modernité».
Un IGH est un immeuble de plus de 50 m de haut, soumis à une législation particulière en France sur le plan sécurité incendie.
Travaux en 2019, livraison 2022
Les architectes (Libeskind et le cabinet toulousain Kardham) travaillent actuellement avec les services de l’urbanisme de la Métropole à l’élaboration de la demande de permis de construire qui doit intégrer les contraintes réglementaires, techniques, géologiques et de sécurité notamment. Le permis doit être déposé en avril 2018. Un semestre sera nécessaire à son instruction avec avis de l’archirtecte des Bâtiments de France et des sapeurs-pompiers et transmission par la Drac (direction régionale des affaires culturelles) d’une étude d’impact patrimonial à une commission nationale, le site du canal du Midi étant classé au Patrimoine mondial de l’Unesco. Le permis de construire devrait être délivré fin 2018, puis purgé des éventuels recours avant que les travaux soient lancés, courant 2019. 3 ans de chantier sont prévus pour cette opération assez compliquée : parcelle contrainte par les voies ferrées et routières, construction au-dessus du métro, logistique de chantier (camions) délicate à proximité de Matabiau et Jaurès. La tour (11 000 m2 de bureaux, une centaine de logements de luxe, 2000 m2 de commerces en rez-de-chaussée, un hôtel Hilton, un roof top et un restaurant panoramique) devrait être livrée en 2022.
Philippe Emery
LA DEPECHE DU MIDI